Le mot le plus terrible qui ait été prononcé contre notre temps est peut-être celui-ci : « Nous avons perdu la naïveté. »
Dire cela, ce n'est pas nécessairement condamner les progrès des sciences et des techniques dont notre monde est si fier. Un tel progrès est en soi admirable. Mais c'est reconnaître que ce progrès ne s'est pas réalisé sans une perte considérable au plan humain.
L'homme, enorgueilli de sa science et de ses techniques, a perdu quelque chose de sa candeur.
Empressons-nous de dire qu'il n'y avait pas que de la candeur et de la naïveté chez nos pères.
Le Christianisme avait assumé la vieille sagesse paysanne et terrienne, née du contact de l'homme avec la terre.
Et il y avait sans doute encore plus de terre que de Christianisme chez bon nombre de nos pères. Plus de pesanteur que de grâce. Mais l'homme avait alors des racines puissantes.
Les élans de la foi, comme les fidélités humaines, s'appuyaient sur des adhésions vitales et instinctives particulièrement fortes. Celles-ci n'étaient aucunement ébranlées ou énervées. L'homme participait au monde, naïvement.
En perdant cette « naïveté », l'homme a aussi perdu le secret du bonheur.
Toute sa science et toutes ses techniques le laissent inquiet et seul.
Seul devant la mort. Seul devant ses infidélités et celles des autres, au milieu du grand troupeau humain.
Seul aux prises avec ses démons qui ne l'ont pas déserté.
A certaines heures de lucidité, l'homme comprend que rien, absolument rien ne pourra lui rendre une joyeuse et profonde confiance dans la vie, à moins d'un recours à une source qui soit en même temps un retour à l'esprit d'enfance.
La parole de l'Evangile n'est jamais apparue aussi lourde de vérité humaine :
« Si vous ne devenez comme des tout-petits, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux. »
« Si vous ne devenez comme des tout-petits, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux. »
Sur ce chemin qui conduit à l'esprit d'enfance, un homme aussi simple et aussi pacifié que saint François d'Assise a quelque chose à nous dire.
Quelque chose d'essentiel et de décisif. Ce saint au Moyen-Age nous est étonnamment proche.
Il semble avoir senti et compris notre drame à l'avance, lui qui écrivait : « Salut, Reine Sagesse, que Dieu te sauve avec ta sœur la pure simplicité. »
Ah ! nous ne le sentons que trop, il ne peut pas y avoir de sagesse pour nous qui sommes si riches de science sans un retour à la pureté de la simplicité.
Eloi Leclerc- Sagesse d'un pauvre
Livre à lire- Desclée de Brouwer
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