Je veux, mon Dieu, que par un renversement de forces dont vous pouvez seul être l’auteur, l’effroi qui me saisit devant les altérations sans nom qui s’apprêtent à renouveler mon être se mue en une joie débordante d’être transformé en Vous.
Sans hésiter, d’abord, étendrai la main vers le pain brûlant que vous me présentez. Dans ce pain, où vous avez enfermé le germe de tout développement, je reconnais le principe et le secret de l’avenir que vous me réservez. Le prendre, c’est me livrer, je le sais, aux puissances qui m’arracheront douloureusement à moi-même pour me pousser au danger, au travail, à la rénovation continuelle des idées, au détachement austère dans les affections.
Le manger, c’est contracter, pour ce qui est en tout au-dessus de tout, un goût et une affinité qui me rendront désormais impossibles les joies où se réchauffait ma vie. Seigneur Jésus, j’accepte d’être possédé par Vous, et mené par l’inexprimable puissance de votre Corps auquel je serai lié, vers des solitudes où, seul, je n’aurais jamais osé monter. Instinctivement, comme tout Homme, j’aimerais dresser ici-bas ma tente sur un sommet choisi. J’ai peur, aussi, comme tous mes frères, de l’avenir trop mystérieux et trop nouveau vers lequel me chasse la durée. Et puis je me demande, anxieux avec eux, où va la vie …
Puisse cette Communion du pain avec le Christ revêtu des puissances qui dilatent le Monde me libérer de ma timidité et de ma nonchalance ! Je me jette, ô mon Dieu, sur votre parole, dans le tourbillon des luttes et des énergies où se développera mon pouvoir de saisir et d’éprouver votre Sainte Présence. Celui qui aimera passionnément Jésus caché dans les forces qui font grandir la Terre, la Terre, maternellement, le soulèvera dans ses bras géants, et elle lui fera contempler le visage de Dieu.
Pierre Teilhard de Chardin- la Messe sur le monde
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