LE FAIBLE- LE FORT

Le faible "galère" et accumule les épreuves.
La souffrance est sa compagne.
Il ne s'y accoutume pas car elle reste toujours douloureuse;
mais il s'en fait une raison et il l'apprivoise
comme une part incontournable de lui-même.
Comme le roseau il plie
et c'est aussi ce qui fait sa force.

Le fort, au contraire, est sûr de lui.
Il s'impose sans complexe et se durcit au furia mesure
de ses "expériences"(il n'emploie pas le mot épreuve)
qui le sclérifient.
Comme le chêne, son modèle, il se blinde.
mais le temps joue contre lui.
Cette force qui ne l'a jamais quitté, il la sent
insidieusement se dérober, elle semble lui échapper.

Sentiment étranger au faible qui n'a jamais rien su
ni connu de cette force primaire, animale, brute,parfois bestiale.
Sa force c'est d'avoir survécu d'épreuve en épreuve
comme porté par une force qui serait venue d'ailleurs,
qu'il ne ressent pas comme émanant de lui,
puisqu'il n'en éprouve pas les effets.
Il sent confusément qu'au-delà de sa faiblesse
il y a plus grand que lui, une force mystérieuse
qui lui permet de tenir malgré tout:
la nature, la vie, Dieu peut-être...

Mais où se niche donc la faiblesse du fort?
peut-être dans le fameux "quand on veut on peut"
adage à prendre avec précaution....
Ce faisant il s'épuise dans sa volonté farouche
de devenir toujours plus fort, pour vaincre.
et comme ça résiste encore, il s'empoissonne la vie:
le voici malheureux, désemparé.
Remède proposé par toutes les spiritualités;
accepter enfin de lâcher prise,de devenir souple...
Faible en quelque sorte?

Confronté à une épreuve soudaine et sévère
le fort s'effondre et casse, comme le chêne déraciné
par la tempête.
Les confidences recueillies ici et là auprès de psychothérapeutes
attestent qu'aux souffrances bien visibles des faibles
répondent les souffrances cachées des forts.
Les grands dominants éprouvent souvent un sentiment
de solitude et d'angoisse à l'idée de ne pouvoir
conserver leur statut!

Jean Marie Pelt-La raison du plus faible p201-202
Editions Fayard