mardi 1 mai 2018

ATTENDRE....

Attendre : pourquoi est-ce si difficile ? Parce que l’attente est une contradiction vécue : elle est un mouvement immobile. Un mouvement : tout notre être est tendu vers ce bus qui doit venir…
Mais immobile : il n’est pourtant pas possible d’aller vers lui, sous peine de le croiser, et donc de le rater. Aussi trépigne-t-on dans cette salle qu’on dit « des pas perdus » : on va, sans avoir où aller.
J’ai toujours été sensible à l’impatience presque palpable qui flotte dans les halls de gare, les couloirs d’hôpital, l’antichambre des cabinets dentaires…
L’homme qui guette son tour dégage une énergie particulière, entre la peur de perdre sa place et le vif désir de la quitter.
Depuis quelque temps, je sens moins cette pesante atmosphère. L’homme serait-il devenu plus patient ?
Disons plutôt qu’il a un smartphone. Il joue en ligne. Il consulte ses messages. Il se distrait et s’extrait de ce qu’il subit. Hors-sol, il est moins désolé du temps qui reste.
La civilité y gagne quelque chose. Mais ce qu’on perd en tension, on le perd en attention. Quand en effet on est contraint à l’épaisseur du temps, ou bien on compte les minutes… ou bien on ouvre son regard.
Une fois reposé le magazine effeuillé par mille yeux, on s’attarde sur le visage de ces codétenus de quelques heures. On esquisse un sourire, parfois une conversation.
L’attente se fait attention. On est plus proche que jamais du souci véritable de sa vie – d’autant plus proche que, pour l’heure, on ne peut rien y faire, sinon le regarder, comme le sculpteur, avant de s’y mettre, prend le temps de contempler le bloc de marbre.
Attendre, c’est être interdit d’aller à son but. C’est le laisser venir à soi. Cette impuissance se nomme aussi hospitalité.
J’y pense, tout à coup : tendre son être au-delà de soi sans pour autant bouger, n’est-ce pas cela qu’on appelle prier ?
Martin Steffens

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