samedi 18 avril 2015

LA MORT


Or les générations issues du baby-boom ne veulent pas vieillir non plus. «Etre âgé sans être vieux, tel est donc l'horizon rêvé de la postmortalité », souligne Céline Lafontaine pour qui «la perspective de pouvoir prolonger indéfiniment la vie par le biais des technosciences conduit certaines personnes à ne plus concevoir la mort comme une réalité inéluctable ». 
A vouloir devenir non pas « immortel » - car un accident est toujours possible - mais « amortel », c'est-à-dire capable de se régénérer sans cesse.
Les vieux, autrefois auréolés de sagesse, font donc figure, à double titre, d'épouvantails. 
« Vulnérables et fragiles, ils sont désormais considérés comme des victimes condamnées à la dégénérescence et acceptant sans broncher le verdict d'une mort annoncée », constate Céline Lafontaine. 
Et la crainte suprême est bien, aujourd'hui, de « faire » tout simplement son âge. Surfant sur les progrès de la médecine anti-âge, différentes associations, comme l'Immortality Institute, ou les Transhumanistes, militent dès lors ouvertement pour le droit de vivre le plus longtemps possible grâce à l'utilisation sans limite des technologies biomédicales. 
Mais si les progrès dans ce domaine sont impressionnants, ils n'ont rien enlevé de l'angoisse originelle. Bien au contraire ! Ces mouvements « prolongévistes », constate Céline Lafontaine, ont rendu la mort plus tragique encore.
Le décès d'un homme, fût-il centenaire, devient dans cette perspective un échec injustifiable. «N'ayant d'autre sens que la fin sordide d'un individu tout-puissant, en conclut la sociologue, la mort est encore plus terrifiante que jamais. » Car la durée ne change rien à l'affaire : qu'on ait vingt ans, cent ans ou deux mille ans, on mourra toujours trop tôt... 
    
Emmanuel Monnier
Hors série Science & Vie septembre 2009

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