samedi 3 novembre 2012

JEAN CLAUDE GUILLEBAUD

Au début des années 1990 – et non sans naïveté – un ouvrage du sociologue Gilles

Lipovetsky décrivait l’avènement d’un hédonisme joyeux, l’émergence d’une éthique légère
et pragmatique, où précaution et réglementation viendraient remplacer l’interdit ou le devoir.
Finie la pesanteur de « l’obligation » ! L’individu rendu à son innocence entend jouir de la vie
sans autre limites que celles de sa propre responsabilité1 ; ou à la rigueur celles fixées par une
loi « neutre », c’est-à-dire débarrassée de tout moralisme. « Fille des Lumières, écrit Alain
Besançon, la démocratie est optimiste et pélagienne. Elle ignore le péché originel. Elle croit au progrès, à la poursuite du bonheur, à l’adoucissement des moeurs2. »
De fait, le discours de la déculpabilisation et devenu omniprésent. Il est rare de passer une journée sans entendre stigmatiser la persistance, ici ou là, de quelques traces résiduelles d’une mauvaise conscience contre laquelle le combat est aussitôt requis. Comme l’écrivait Nietzsche dans La Généalogie de la morale, la mort de Dieu n’aurait pas complètement délivré l’homme de la malédiction originelle. Il ne se serait pas encore tout à fait libéré de« l’imposture de la morale ». Mais cela viendra... Sur la route de l’innocence, la lutte doit continuer. On nous adjure de congédier nos anciennes « hontes ». Cette invitation – voire
cette réquisition – s’accompagne le plus souvent d’une stigmatisation de la « morale judéochrétienne
», présentée comme la source de nos malheurs intimes : interdits sexuels de la Torah, péché originel théorisé par saint Augustin, vieux blocage catholique sur l’argent
assimilé au mal, etc. « Régulièrement, revient dans les médias le vieux reproche fait au judéochristianisme
d’avoir culpabilisé l’humanité en la confrontant sans cesse à l’abîme du péché3.»

Jean  Claude Guillebaud

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