dimanche 28 août 2016

DEPOUILLEMENT


Chaque jour, en remontant la rue, je le croise. Toujours debout à la même place, entre un platane et un parcmètre. Le même survêtement délavé, le même pull aux mailles fatiguées, quelle que soit la couleur du ciel. On pourrait croire qu’il guette l’autobus ou qu’il surveille le ballet des voitures. Mais il reste muré dans son silence, le regard lointain, indifférent à l’agitation environnante. Il semble qu’il n’attende plus rien de cette vie, lui qui n’a visiblement ni table où s’accouder, ni toit sous lequel s’étendre. Il a atteint le dépouillement de toute chose, qui est peut-être un état de grande sagesse, peut-être simple hébétude. Il ne cherche même plus à s’activer, à faire mine d’avoir un emploi du temps pour donner le change. Sur cette limite extrême où il marche tel un funambule, on sent le néant proche ; il contemple la vacuité vertigineuse d’une vie réduite aux sensations de l’instant, mais il est possible qu’il ait aussi trouvé là une plénitude de sens. 

Olga Lossky

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