lundi 5 décembre 2011

CHRISTIAN BOBIN

Ce qui me bouleverse chez autrui est toujours lié à la solitude. C'est toujours là où je sais que la rencontre peut avoir lieu. Qu'elle dure une seconde ou qu'elle aille sur plusieurs années, ça n'a aucune importance parce que ce n'est plus de l'ordre du temps. La mort, qui est très goulue, prendra beaucoup de choses en l'autre et en moi, mais pas ça parce que ça, ça lui échappe! C'est hors de sa poigne. Ce sont pourtant des choses extrêmement simples. C'est la simplicité vivante et faible de chacun. Quand elle est laissée telle qu'elle, quand elle est laissée à voir. Quand enfin quelqu'un se débarrasse de ses épaisseurs qui sont de pauvres armures: le savoir, la conscience de soi, la bienséance parfois, l'habitude, toutes ces choses qui servent d'écrans, de murailles, de vêtements lourds que l'on met sur soi. Quant à certains moments tout ça tombe, la solitude est alors entière, et en même temps c'est la fraternité qui est là. C'est très étrange parce qu'il demeure aussi la séparation. Il y a l'autre dans un état où je sais que je ne pourrai jamais le rejoindre parce qu'il est abîmé - dans tous les sens du terme - dans un songe, dans une pensée, dans un amour ou dans une détresse qui n'est qu'à lui, qui n'est connaissable que de lui, et qui n'est peut-être même pas exprimable, et en même temps c'est là où j'éprouve ce qui de lui et de moi appartient à un socle commun
CHRISTIAN BOBIN
Les livres de Christian Bobin sont des petites merveilles...

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