vendredi 19 décembre 2014

LA TENDRESSE- MAURICE BELLET- BEAU TEXTE


La tendresse est le labeur incessant pour que tout enfant d'humain, homme ou femme, ait sa mesure et sa grâce. A chacun selon ses besoins ! A chacun selon le don qui est en lui — qu'il déploie gaiement toute sa puissance ! La tendresse est grâce : elle ne force rien, elle ne se raidit pas par devoir et volonté, elle ne s'impose pas, elle n'envahit pas la vie des autres, elle ne larmoie pas, elle ne disserte pas, elle n'explique pas. Elle est simplement là, ferme et agissante, bon espace libre où respirer, nourriture première du cœur des vivants.
La tendresse n'agit pas comme agissent les pouvoirs. Elle se tient avec distance et réserve, elle laisse à qui a faim de vivre tout son espace de vie, à qui a faim d'être entendu tout son espace de parole, elle laisse être, enfin, sans réserve et sans mesure.
Elle est douceur, plaisir d'être ensemble, travail pour le bien, franchise et gaieté.

La tendresse est le réel, c'est les choses et les gens, c'est le visage du monde, la mémoire, le rêve et le poids des jours.
C'est la table servie, le vin versé, les convives, la parole entre eux, la paix.
C'est la lumière entre les arbres, au commencement du matin.
C'est le souffle profond, quand vient l'heure du soulagement et de la vérité.
C'est le corps aimant, c'est la marche au bord de la mer, c'est la veillée à la maison, c'est le premier jour et la cent millième fois.
C'est la foule et le solitaire, c'est le travail, c'est la douleur, c'est la détresse elle-même : car la tendresse sauve tout.

MAURICE BELLET- LA VOIE- SEUIL 1982- EXTRAIT

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